L'Observatoire de l'Abitibi-Témiscamingue

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Immigration , Population immigrante

Immigration et société d'accueil

— Mariella Collini

En 2019, cinq organismes de la région ont été mandatés par le ministère de l’Immigration, de la Francisation et de l’Intégration (MIFI) pour réaliser cinq diagnostics territoriaux en matière d’attraction et de rétention des personnes immigrantes. L’objectif visait à dresser une analyse des besoins du milieu pour, ultimement, attirer un plus grand nombre de personnes immigrantes et assurer leur établissement durable. Grandes lignes de ces diagnostics territoriaux.




Les démarches territoriales comportaient deux grands volets : une recherche documentaire accompagnée de groupes de discussion. Tour à tour, ces rencontres ont notamment permis de prendre le pouls de personnes immigrantes, arrivées depuis peu ou établies depuis quelques années dans la région, avec des profils diversifiés. Il s’agissait d’explorer leur vécu quant à leur installation ainsi que leurs perceptions quant aux processus d’intégration dans la collectivité. De plus, les membres et le milieu socioéconomique de la société d’accueil ont fait part de leur perception à l’égard des personnes immigrantes ainsi que de leur rôle joué ou à parfaire pour favoriser l’établissement durable. Bien que les propos se soient exprimés de manière distincte d’un territoire à l’autre, d’une expérience de vie à une autre, voici des éléments communs à la majorité des territoires de MRC.

Motifs de leur venue et perception de la qualité de vie dans la région
Peu importe le territoire, la majeure partie des personnes immigrantes interrogées affirment que la principale raison qui a motivé le choix de s’installer dans la région est le travail ou les études. Le fait d’avoir de la famille ou des amis déjà établis est un autre incitatif, ce qui facilite par ailleurs l’intégration au milieu. À cela s’ajoute la qualité de vie, notamment pour les jeunes familles.

Plusieurs diagnostics territoriaux indiquent que pour de petits milieux d’accueil, en comparaison aux grands centres urbains, les territoires ont maints atouts associés à la qualité de vie tant recherchée. La proximité (services, activités, nature, réseau social), la tranquillité, la sécurité, les grands espaces et le plein air, l’offre et la qualité des services (éducation, santé), la vie culturelle ainsi que les belles perspectives d’emploi (critères recherchés, rémunération, polyvalence) en sont les principaux.

Difficultés à l’installation et défis rencontrés à l’intégration
Si plusieurs personnes immigrantes avaient une bonne idée de ce qu’était la région, d’autres n’avaient pas vraiment idée de ce qui les attendait. L’éloignement des grands centres, le climat et le « parler québécois », même chez les personnes maîtrisant le français représentent un choc culturel. Les personnes immigrantes ont soulevé diverses problématiques pouvant nuire à leur installation et éventuellement, à leur intégration et leur établissement durable. Il est à noter que plusieurs de ces contraintes ont également été relevées par la société d’accueil et le milieu socioéconomique.

Partout sur les territoires, et ce, même à Rouyn-Noranda, un frein notamment mentionné réfère à l’accès à un réseau de transport en commun efficient, alors qu’en d’autres endroits, on signale l’absence de services de location de véhicules adaptés aux besoins d’un nouvel arrivant. Il est aussi noté partout sur le territoire régional, le coût dispendieux du transport et plus généralement, des déplacements vers les grands centres.

« Lorsqu’on arrive, on ne peut pas acheter une voiture tout de suite pour différentes raisons (assurances, salaires, documents administratifs). »
Citation tirée du Diagnostic du Témiscamingue

Plusieurs diagnostics signalent également les coûts élevés des télécommunications (Internet et téléphonie cellulaire), qui représentent souvent le « pont » entre ici et leur famille, qu’elle soit dans les grands centres ou dans leur pays d’origine.

En ce qui concerne l’accès au logement, plusieurs propos font mention d’un manque d’accessibilité à des logements abordables et répondant aux besoins, jumelé, en certains endroits, à des conditions pouvant discriminer les personnes immigrantes.

Quant à l’offre de sports et de loisirs, souvent un vecteur d’intégration, ce n’est pas tant l’offre ou la diversité des activités qui posent problème que leur accès (coût, équipements, etc.) et promotion (réseaux sociaux et Internet), ce qui peut limiter l’intégration aux groupes.

Pour les services de santé, les familles immigrantes sont préoccupées par l’accès aux services de santé étendus (optométristes, dentistes, psychosociaux, etc.) ou encore, par les grandes distances pour avoir des services spécialisés. Également, il appert que l’accessibilité n’est pas la même dépendamment du statut d’immigration. Plusieurs autres mentions réfèrent au manque de places en services de garde.

Quant au système de l’éducation, il semble que les établissements soient bien perçus et l’offre est jugée intéressante. Pour ce qui est de la formation postsecondaire, tous les territoires rencontrent des défis en ce sens, que ce soit en raison de la diversité de l’offre, de l’information disponible sur le système éducatif ou des statuts d’immigration.

Un autre élément signalé dans tous les diagnostics par les personnes immigrantes et les acteurs socioéconomiques est le besoin régulièrement exprimé d’être mieux accompagnés par des ressources du milieu dans les démarches administratives en lien avec le processus d’immigration. Il en est de même pour la société d’accueil qui méconnait les ressources en place pour les personnes immigrantes.

« La communauté ne sait pas ce qui est fait pour les personnes immigrantes. Ils ont besoin de renseignement sur la porte d’entrée pour les services offerts. »
Énoncé tiré du Diagnostic d’Abitibi

Relations interpersonnelles
Bien que de façon générale, les personnes immigrantes saluent la gentillesse des membres de la société d’accueil, il reste difficile de prendre contact avec eux ou de faire partie de leur cercle social restreint (famille, amis, etc.).

« Vous êtes tellement tissés serrés, que c’est difficile de rentrer dans les mailles. »
Citation tirée du Diagnostic de Rouyn-Noranda

De l’avis général des personnes immigrantes, les opportunités de rapprochements interculturels, comme le travail, les activités sociales et interculturelles, le bénévolat et les activités sportives jouent assurément un rôle important dans leur intégration.

Selon diverses expériences vécues par les personnes immigrantes ou d’observations de la société d’accueil et du milieu socioéconomique, les diagnostics signalent la présence tenace de préjugés à l’égard de minorités ethnoculturelles. La méconnaissance de l’autre peut générer des commentaires intolérants et remplis de préjugés sur les réseaux sociaux, des pratiques discriminatoires en emploi et, plus globalement, un sentiment de crainte face à l’arrivée de personnes de cultures différentes, notamment en regard des emplois disponibles et des croyances religieuses.

Le niveau d’ouverture face aux communautés interculturelles n’est pas le même pour tous et partout sur le territoire, ce qui prône pour une plus grande sensibilisation ainsi qu’une prise de conscience collective sur ce que devrait être l’intégration.

Expérience sur le marché du travail
Si, concrètement, plusieurs personnes immigrantes sont actives sur le marché du travail dans leur domaine d’études ou d’expertise, certaines ont dû opter pour un retour aux études ou un changement de carrière. Les écueils rencontrés touchant la reconnaissance des diplômes et des acquis entraînent des conséquences non seulement pour les personnes immigrantes (retour aux études, surqualification, stress, etc.), mais aussi pour les employeurs (délais pour les embauches, frustrations, etc.) et la société en général.

« Pour les employeurs et les travailleurs immigrants, les lois et règlements relevant des ministères peuvent rapidement devenir un capharnaüm. »
Énoncé tiré du Diagnostic d’Abitibi-Ouest

Au chapitre de l’accueil et de la socialisation en milieu de travail, les propos indiquent que cela s’est généralement bien déroulé, ce qui ne signifie pas que le marché du travail est non exempt de préjugés et de discrimination (CV, inégalités en matière d’équité salariale ou d’avancement professionnel). Enfin, plusieurs diagnostics territoriaux abordent la difficulté d’accéder à des services de francisation qui peut, là aussi, dépendre des statuts d’immigration.

Raisons menant au départ
Plusieurs freins à l’établissement durable sont cités dans les diagnostics, notamment, sans être exhaustif : le travail (incluant celui du conjoint/conjointe), l’éloignement de la famille et/ou des grands centres, la poursuite d’études supérieures dans un programme non offert ici, l’accès aux infrastructures (logement, soins de santé, garderies, loisirs, etc.), le coût de la vie relativement élevé ainsi que la présence de discrimination et de préjugés.

MATIÈRE À RÉFLEXION
Bien que tous les diagnostics fassent mention de la rareté de main-d’œuvre en lien avec l’immigration, des propos issus des personnes immigrantes, de la société d’accueil et de l’entreprise rappellent l’aspect multidimensionnel de l’immigration.

« La gestion de l’immigration doit être pensée comme un heureux mélange d’humanisme et d’instrumentalisme pour éviter que l’immigrant ne devienne une marchandise comme une autre dans l’imaginaire collectif. »
Énoncé tiré du Diagnostic de la Vallée-de-l’Or

La nécessité de recruter de la main-d’œuvre, notamment immigrante, combinée aux préoccupations manifestées envers l’établissement durable des personnes nouvellement arrivées reposera sur l’efficience d’un processus d’accompagnement en continu de l’ensemble des parties prenantes au sein des milieux. Soutenir l’intégration dans les diverses sphères de la vie (emploi, famille, etc.) dépendra ainsi de la capacité à se concerter et à miser sur des actions et des initiatives cohérentes.

« Si l’objectif de la collectivité est de devenir accueillante et inclusive, il est essentiel que les gens de tous horizons travaillent ensemble à ce même objectif. »
Énoncé tiré du Diagnostic de la Vallée-de-l’Or

 

Sources : 

Carrefour Jeunesse Emploi d’Abitibi-Est, Diagnostic en matière d’attraction et d’établissement durable des personnes immigrantes dans la Vallée-de-l’Or, 2019.

La Mosaïque, Portrait en matière d’attraction et d’établissement durable de personnes immigrantes en région, 2019.

Carrefour Jeunesse Emploi d’Abitibi-Ouest, Rapport diagnostic de la population immigrante - MRC d’Abitibi-Ouest, 2019.

Mouvement de la relève d’Amos-Région, Portrait en matière d’attraction et d’établissement durable de personnes immigrantes en région, 2019.

Carrefour Jeunesse-Emploi du Témiscamingue, Portrait en matière d’attraction et d’établissement durable de personnes immigrantes en région, 2019.



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